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le blog de segur

22 janvier 2005

La sœur de Nico revient longtemps après, les bras

La sœur de Nico revient longtemps après, les bras chargés de sacs de courses :

- C’est beau, n’est-ce pas, fait-elle, en voyant Sarah, les yeux fixés droit devant elle. Je suis venue ici il y a onze ans, je ne suis jamais repartie. La quiétude de ce paysage infiniment immobile, malgré les mouvements incessants des vagues, m’a apporté la sérénité dont j’avais besoin. J’ai pu comprendre enfin ce que je voulais faire de ma vie, et surtout ce que je ne voulais pas qu’elle soit.

- Je suis une prostituée. Votre frère m’a payée pour partir avec lui deux jours. Il ne m’a pas touchée. Je ne comprends pas ce qu’il veut...

Elle s’interrompt, guettant une réaction qui ne vient pas :

- Je suis bien ici. Je comprends ce que vous voulez dire.

- Tu peux me dire tu, cela me gênera moins. Sinon, je croirais que je suis déjà vieille.

Elle peut avoir quarante ans, se dit Sarah. Peut-être quelques années de plus que son frère. Presque vingt de plus qu’elle.

- Où sommes-nous ? Et puis non, je n’ai pas envie de savoir. J’apprécie cette sensation de rupture avec le monde. Demain, je devrai repartir, je saurai bien assez tôt où se trouve cet endroit.

- Tu m’aides ? J’ai ramené quelques légumes pour nous faire un repas. On va s’installer là, avant qu’il ne fasse trop chaud.

 

Plus tard, Nico arrive sur le balcon, tout ensommeillé encore. Les cheveux en l’air, la barbe de quelques jours, pointées de poils blancs, il s’assied à côté de Sarah sur le banc. Les deux femmes, occupées à éplucher les légumes, riaient à son arrivée :

- Bonjour, dit-il, avec la voix cassée du réveil. J’aime bien ton rire, Sarah. Continuez, de quoi riiez-vous ?

- De rien, des histoires de filles, répond Mado, comme pour couper court à une gêne que pourrait ressentir Sarah.

Il se lève et disparaît dans la cuisine. Il revient avec un bol de café. Il reste debout dans l’encadrement de la porte :

- Je crois que je vais aller me baigner. Quelqu’un vient avec moi ?

- Je veux bien, répond Sarah, mais je n’ai pas prévu de maillot...

- Pas grave, moi non plus. Il ne vient personne ici.

 

Mado les regarde s’éloigner. Elle sourit, bienveillante, comme si la complicité naissante de son frère et de cette fille était un gage de bonheur.

Sur la plage, il se déshabille. Nico feint l’indifférence, mais ne peut s’empêcher d’observer à la dérobée le corps de Sarah. Elle n’est pas dupe, mais essaie de ne pas trop s’exhiber, avec une pudeur inhabituelle, pour elle.

Nico se dit qu’elle est vraiment très belle. Son corps est élancée, ses longues jambes sont assez musclées. Sa taille, haute, est fine, avec les hanches bien dessinées. Ses seins sont plantées haut, ovales, avec des pointes brunes. Quand elle finit d’ôter le dernier vêtement, il voit aussi son mont de  Vénus, couvert d’un triangle brun. Sa peau est uniformément dorée, mais très légèrement.

Il s’en veut de la regarder ainsi, un peu hypocritement.

Mais après tout, Sarah doit en faire autant à son égard. Se dit-elle qu’il faudrait qu’il fasse attention, qu’il commence à avoir un peu d’estomac, que ses cheveux deviennent gris, que ses muscles commencent à fondre ? Se dit-elle qu’il n’est pas si grand, puisqu’elle a presque la même taille que lui ?

Elle lui sourit, comme si elle voulait le rassurer, avant de courir en direction de la mer. Il prend la même foulée ; et ils hésitent ensemble, avant de s’engager, précautionneusement malgré tout, jusqu’à la taille, dans l’eau fraîche du début de l’été.

Elle s’élance la première, dans une brasse parfaite. Il la suit quelques secondes plus tard. Ils nagent ainsi ensemble longtemps, dans le silence et le calme.

Quand ils reviennent sur la plage, le soleil est déjà haut. Sans se sécher, ils enfilent leur vêtements, comme pour ne pas se gêner mutuellement.

 

Mado est sur le balcon, sur une chaise longue, un livre dans les mains, qu’elle pose sur ses genoux, à leur arrivée :

- L’eau n’était pas trop froide ?

- Vivifiante, répond Sarah, un peu ironique .

- Tu sais qu’elle nage très très bien.

Çà pourrait être de la flagornerie dans la bouche d’un autre. Les paroles de Nico sont tellement rares, l’expression de ses sentiments tellement peu nuancés, que Sarah accepte le compliment.

Nico devient à partir de ce moment-là serviable, et même empressé, également à l’égard des deux femmes.

Ils sort des chaises longues, pour Sarah et lui, et prépare un apéritif.

Plus tard, il met trois couverts sur la table de bois, qu’il protège d’un parasol.

Ils déjeunent assez tard, savourant la cuisine méditerranéenne de Mado.

La journée se déroule lentement, hors du temps.

Sarah, l’après-midi, se joint à Mado. Elles s’installent ensemble, dans des chaises longues, pour lire. Elles découvrent à ce propos leur intérêt commun pour les romans de Paul Auster.

Nico a entrepris de réparer le volet qui ferme, où plutôt devrait fermer, la chambre.

Quand le soir arrive, ils reviennent ensemble d’une longue promenade sur la plage.

Mado a nourri toutes les conversations, évoquant tour à tour, leur enfance dans la région de Saint-Étienne, l’amour des chevaux de Nico, leur voyage au Pakistan, il y a presque quinze ans, à une époque qui leur paraissait facile et légère. Tout est raconté avec joie, mais sans nostalgie, comme si la vie aujourd’hui s’avérait plus simple, comme il le paraît, quand on est ici.


Lorsque le dîner s’achève, Sarah s’éclipse la première. Mado a dit qu’elle leur laissait la chambre, qu’elle dormirait sur le divan, qui s’effondre dans la pièce principale. Nico fait la vaisselle, range la cuisine. Sa sœur a repris son roman, et s’est installé pour la nuit. Avant de rejoindre la chambre, il l’embrasse, la couvant ensuite d’un regard protecteur. Elle sourit, se souvient des nombreuses fois où c’est elle qui jouait ce rôle pour lui.

Il referme la porte de la chambre derrière lui, se déshabille, pas complètement, et se glisse sous la couette, au côté de Sarah endormie.

Il s’endort, lui tournant le dos.

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