La sur de Nico revient longtemps après, les bras
La sur de Nico revient longtemps après, les bras chargés de sacs de courses :
- Cest beau, nest-ce pas, fait-elle, en voyant Sarah, les yeux fixés droit devant elle. Je suis venue ici il y a onze ans, je ne suis jamais repartie. La quiétude de ce paysage infiniment immobile, malgré les mouvements incessants des vagues, ma apporté la sérénité dont javais besoin. Jai pu comprendre enfin ce que je voulais faire de ma vie, et surtout ce que je ne voulais pas quelle soit.
- Je suis une prostituée. Votre frère ma payée pour partir avec lui deux jours. Il ne ma pas touchée. Je ne comprends pas ce quil veut...
Elle sinterrompt, guettant une réaction qui ne vient pas :
- Je suis bien ici. Je comprends ce que vous voulez dire.
- Tu peux me dire tu, cela me gênera moins. Sinon, je croirais que je suis déjà vieille.
Elle peut avoir quarante ans, se dit Sarah. Peut-être quelques années de plus que son frère. Presque vingt de plus quelle.
- Où sommes-nous ? Et puis non, je nai pas envie de savoir. Japprécie cette sensation de rupture avec le monde. Demain, je devrai repartir, je saurai bien assez tôt où se trouve cet endroit.
- Tu maides ? Jai ramené quelques légumes pour nous faire un repas. On va sinstaller là, avant quil ne fasse trop chaud.
Plus tard, Nico arrive sur le balcon, tout ensommeillé encore. Les cheveux en lair, la barbe de quelques jours, pointées de poils blancs, il sassied à côté de Sarah sur le banc. Les deux femmes, occupées à éplucher les légumes, riaient à son arrivée :
- Bonjour, dit-il, avec la voix cassée du réveil. Jaime bien ton rire, Sarah. Continuez, de quoi riiez-vous ?
- De rien, des histoires de filles, répond Mado, comme pour couper court à une gêne que pourrait ressentir Sarah.
Il se lève et disparaît dans la cuisine. Il revient avec un bol de café. Il reste debout dans lencadrement de la porte :
- Je crois que je vais aller me baigner. Quelquun vient avec moi ?
- Je veux bien, répond Sarah, mais je nai pas prévu de maillot...
- Pas grave, moi non plus. Il ne vient personne ici.
Mado les regarde séloigner. Elle sourit, bienveillante, comme si la complicité naissante de son frère et de cette fille était un gage de bonheur.
Sur la plage, il se déshabille. Nico feint lindifférence, mais ne peut sempêcher dobserver à la dérobée le corps de Sarah. Elle nest pas dupe, mais essaie de ne pas trop sexhiber, avec une pudeur inhabituelle, pour elle.
Nico se dit quelle est vraiment très belle. Son corps est élancée, ses longues jambes sont assez musclées. Sa taille, haute, est fine, avec les hanches bien dessinées. Ses seins sont plantées haut, ovales, avec des pointes brunes. Quand elle finit dôter le dernier vêtement, il voit aussi son mont de Vénus, couvert dun triangle brun. Sa peau est uniformément dorée, mais très légèrement.
Il sen veut de la regarder ainsi, un peu hypocritement.
Mais après tout, Sarah doit en faire autant à son égard. Se dit-elle quil faudrait quil fasse attention, quil commence à avoir un peu destomac, que ses cheveux deviennent gris, que ses muscles commencent à fondre ? Se dit-elle quil nest pas si grand, puisquelle a presque la même taille que lui ?
Elle lui sourit, comme si elle voulait le rassurer, avant de courir en direction de la mer. Il prend la même foulée ; et ils hésitent ensemble, avant de sengager, précautionneusement malgré tout, jusquà la taille, dans leau fraîche du début de lété.
Elle sélance la première, dans une brasse parfaite. Il la suit quelques secondes plus tard. Ils nagent ainsi ensemble longtemps, dans le silence et le calme.
Quand ils reviennent sur la plage, le soleil est déjà haut. Sans se sécher, ils enfilent leur vêtements, comme pour ne pas se gêner mutuellement.
Mado est sur le balcon, sur une chaise longue, un livre dans les mains, quelle pose sur ses genoux, à leur arrivée :
- Leau nétait pas trop froide ?
- Vivifiante, répond Sarah, un peu ironique .
- Tu sais quelle nage très très bien.
Çà pourrait être de la flagornerie dans la bouche dun autre. Les paroles de Nico sont tellement rares, lexpression de ses sentiments tellement peu nuancés, que Sarah accepte le compliment.
Nico devient à partir de ce moment-là serviable, et même empressé, également à légard des deux femmes.
Ils sort des chaises longues, pour Sarah et lui, et prépare un apéritif.
Plus tard, il met trois couverts sur la table de bois, quil protège dun parasol.
Ils déjeunent assez tard, savourant la cuisine méditerranéenne de Mado.
La journée se déroule lentement, hors du temps.
Sarah, laprès-midi, se joint à Mado. Elles sinstallent ensemble, dans des chaises longues, pour lire. Elles découvrent à ce propos leur intérêt commun pour les romans de Paul Auster.
Nico a entrepris de réparer le volet qui ferme, où plutôt devrait fermer, la chambre.
Quand le soir arrive, ils reviennent ensemble dune longue promenade sur la plage.
Mado a nourri toutes les conversations, évoquant tour à tour, leur enfance dans la région de Saint-Étienne, lamour des chevaux de Nico, leur voyage au Pakistan, il y a presque quinze ans, à une époque qui leur paraissait facile et légère. Tout est raconté avec joie, mais sans nostalgie, comme si la vie aujourdhui savérait plus simple, comme il le paraît, quand on est ici.
Lorsque le dîner sachève, Sarah séclipse la première. Mado a dit quelle leur
laissait la chambre, quelle dormirait sur le divan, qui seffondre dans la
pièce principale. Nico fait la vaisselle, range la cuisine. Sa sur a repris
son roman, et sest installé pour la nuit. Avant de rejoindre la chambre, il
lembrasse, la couvant ensuite dun regard protecteur. Elle sourit, se souvient
des nombreuses fois où cest elle qui jouait ce rôle pour lui.
Il referme la porte de la chambre derrière lui, se déshabille, pas complètement, et se glisse sous la couette, au côté de Sarah endormie.
Il sendort, lui tournant le dos.